Emir Kusturica
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Détails
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Nationalité |
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| Filmographie | 3 films |
| Récompenses | 7 nominations et 6 victoires |
Biographie
Emir Kusturica, né le 24 novembre 1954 à Sarajevo (alors en Yougoslavie, aujourd’hui en Bosnie-Herzégovine), est un réalisateur, scénariste, producteur, acteur et musicien serbe, figure incontournable du cinéma d’auteur européen.
Récompensé à plusieurs reprises à Cannes, notamment par deux Palmes d’or, Emir Kusturica s’est imposé comme un créateur à l’univers immédiatement reconnaissable, fait de chaos jubilatoire, de musique balkanique déchaînée, d’absurde poétique et de critiques politiques voilées ou frontales.
Ses films, entre satire sociale, folklore délirant et tragédie burlesque, sont peuplés de personnages fantasques, de poules qui volent, d’hommes saouls sur des toits, de mariages déglingués et de frontières invisibles. Un cinéma profondément yougoslave, dans ce que cela avait de complexe, de tendre, de violent et d’universel.
Une formation européenne et une ascension précoce
Emir Kusturica se forme au FAMU, l’École de cinéma de Prague, dans les années 1970, alors que la Tchécoslovaquie est encore sous régime communiste. Cette formation lui donne une base solide en cinéma classique européen, tout en l’ouvrant à une esthétique plus libre, plus engagée, inspirée par le réalisme socialiste autant que par le cinéma de l’absurde.
Son premier long-métrage, Te souviens-tu de Dolly Bell ? (1981), remporte le Lion d’or du premier film à la Mostra de Venise. Trois ans plus tard, Papa est en voyage d’affaires (1985) décroche la Palme d’or à Cannes, consacrant Emir Kusturica comme un nouveau grand nom du cinéma européen, capable de parler de la complexité politique de la Yougoslavie communiste avec humour, tendresse et ironie.
Le Temps des Gitans et l’invention d’un style unique
C’est en 1988, avec Le Temps des Gitans, qu’Emir Kusturica impose son style visuel et narratif si singulier : une caméra qui virevolte, une bande-son omniprésente signée Goran Bregović, des personnages hauts en couleur, une narration en spirale, entre conte et documentaire. Ce film, entièrement tourné en romani, est une fable tragique sur la communauté rom, tiraillée entre magie, misère et exploitation.
Le film devient culte, et avec lui, naît l’étiquette (parfois réductrice) du cinéaste des Balkans déjantés, que Kusturica embrasse à sa manière : avec excès, dérision, et toujours une touche d’amour mélancolique pour ses personnages.
Une Palme d’or historique et un cinéma du chaos
En 1995, il reçoit sa deuxième Palme d’or pour Underground, fresque sur l’histoire de la Yougoslavie de 1941 à 1992, vue à travers le prisme de deux trafiquants d’armes et d’un pays qui s’effondre. Satire explosive, épique grotesque, le film est salué pour sa puissance visuelle, son ambition narrative, mais aussi critiqué pour sa lecture politique jugée ambiguë.
C’est probablement l’œuvre la plus marquante d’Emir Kusturica : un film total, qui condense à lui seul l’histoire, la folie et la poésie tragique des Balkans, à la fois farce et drame, enivrant et épuisant. Il provoque, bouleverse, et laisse rarement indifférent.
Un artiste multidisciplinaire engagé… et controversé
Au-delà du cinéma, Emir Kusturica est aussi musicien. Il fonde le groupe The No Smoking Orchestra, avec lequel il tourne à travers le monde, mêlant rock balkanique, fanfare tsigane et énergie punk. Les concerts deviennent des spectacles à part entière, dans le droit fil de son cinéma : foutraques, joyeux, et politiquement incorrects.
Il construit également un village entier, Drvengrad, en Serbie, qu’il imagine comme une utopie culturelle où se mêlent art, écologie et tradition. Il y organise le Festival du Film de Kustendorf, événement indépendant, sans tapis rouge, où il invite de jeunes cinéastes et des réalisateurs renommés, de Jim Jarmusch à Nikita Mikhalkov.
Mais Emir Kusturica, c’est aussi une figure controversée, notamment pour ses prises de position politiques. Converti au christianisme orthodoxe serbe, il est régulièrement accusé de pro-serbisme militant, notamment pour son soutien à Slobodan Milošević dans les années 1990, ou à des figures du nationalisme serbe. Ces positions ont fortement terni son image auprès d’une partie du public international, même si elles n’effacent pas l’impact artistique de son œuvre.
Un style inimitable, entre cinéma, cirque et mythe
Ce qui rend le cinéma d’Emir Kusturica si particulier, c’est sa capacité à faire coexister le grotesque et le tragique, le documentaire et le conte, le politique et le surréaliste. Ses films débordent : de sons, de personnages, de décors, de situations absurdes, de musiques à tout-va. On y rit souvent à gorge déployée, puis soudain, on prend un coup dans le ventre.
Il ne filme pas pour plaire, ni pour expliquer. Il crée un monde, avec ses règles propres, son rythme, sa violence et sa beauté. Certains y voient un génie du baroque moderne, d’autres un cinéaste incohérent voire complaisant. Mais personne ne le regarde sans réaction.
Emir Kusturica, c’est l’image d’un cinéma libre, bouillonnant, contradictoire, où la caméra semble danser avec les personnages au milieu des ruines d’un pays disparu. À la fois poète visuel, provocateur politique et artiste total, il continue, envers et contre tout, à faire du cinéma comme on fait un rêve fiévreux, avec la conviction qu’un bon film n’a pas besoin d’être propre pour être vrai.
Filmographie
3 sur 3 films